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Marseille et l'Egypte - No 260

Marseille et l'Egypte

L’exposition intitulée « L’Epopée du Canal de
Suez » au Musée d’histoire a suscité l’envie à
notre rédaction d’évoquer quelques-uns des
liens tissés par les Marseillais avec l’égypte.
Un pays familier à nombre d’entre eux,
et ceci depuis l’Antiquité. Près de Thèbes,
n’a-t-on pas relevé ces graffiti en grec gravés
sur des monuments ptolémaïques : « Denys,
de Marseille je viens » et « Poseidonax, fils
de Polysène, de Marseille » ? Des cartes de
visite peu orthodoxes…, des marques d’un
lointain séjour, mais qui permirent à ces
voyageurs originaires d’un autre continent
de laisser le souvenir indélébile de leur
passage !
Sans remonter à une période aussi lointaine,
ou même au Moyen Âge lorsque les marchands
marseillais étaient assez nombreux
à Alexandrie pour y avoir leur consulat et un
fondouk particulier, voire aux XVIIe et XVIIIe
siècles quand s’en venaient à bord de leurs
tartanes le riz du delta, le natron des oasis,
la gomme arabique de Nubie ou, via l’isthme
égyptien, les cafés de Moka, les épices et
tissus indiens, nous nous sommes souvenus
d’éléments d’un passé plus récent. Depuis
Bonaparte, l’égypte a exercé une véritable
fascination jusqu’à devenir une « passion
française », comme l’écrivit Robert Solé.
Ainsi, au fil de ce numéro 260, nous suivrons
les navires de l’Expédition d’égypte ;
nous rappellerons le souvenir de certains
Marseillais qui ont oeuvré là-bas : le
traducteur Venture de Paradis, l’architecte
Coste, le médecin Clot, et la qualité des
collections que certains d’entre eux nous ont
transmis. Nous n’avons pas oublié l’adhésion
rapide des entrepreneurs marseillais au
projet du percement de l’isthme conduit par
Ferdinand de Lesseps, lorsqu’il fut démontré
qu’il n’y avait pas de dénivellation entre les
mers Rouge et Méditerranée.
Après le rêve cependant déçu d’un Canal
de Suez faisant de Marseille l’avant-port
de Londres, se forgea le mythe de l’escale
de Port-Saïd, attendue des navigateurs
comme Alexandrie l’avait déjà été. L’égypte
réunissait les charmes du présent à ceux
de civilisations disparues, et ainsi Marseille
unie aux réseaux ferroviaires européens
resta longtemps le lieu d’embarquement
privilégié pour sa découverte, mais aussi
pour « l’au-delà de Suez » cher au poète
Louis Brauquier. Parmi les photographes qui
fixèrent alors leurs perceptions d’une nation
incarnée par un sphinx figurait Fernand
Detaille, il était bon de le rappeler.
Les interrogations des égyptiens situés
entre Orient et Occident se rencontrèrent
dans la littérature. Plusieurs romanciers
et essayistes ont laissé de leur passage
à Marseille, non pas des graffiti comme
Poseidonax ou Denys, mais des pages
sensibles, posant leurs regards perçants sur
nos concitoyens. Entre les peuples français
et égyptien, une sympathie naturelle était
installée. L’Accord de coopération de 1990
liant Marseille et Alexandrie, réactualisé
en 2013, offre bien des opportunités à leur
jeunesse et à la francophonie, comme
d’ailleurs au développement urbain
durable et à la protection des patrimoines
de ces villes-ports, qui se manifestèrent
particulièrement en ce haut-lieu de la
culture mondiale qu’est la Bibliotheca
Alexandrina. M. le Consul général Hesham
Maher n’a pas manqué de le souligner dans
l’entretien exclusif qu’il nous a accordés.
Si l’égypte des pharaons a gardé bien de ses
mystères, il pouvait sembler que l’égypte
contemporaine n’avait plus de secrets… Et
pourtant elle n’en finit pas de surprendre les
Marseillais. En ce début du troisième millénaire,
l’égypte continue de jouer un rôle
particulier en Méditerranée avec son Canal
de Suez, formidable raccourci intercontinental.
Voilà qu’après son récent dédoublement
réalisé en un temps record, des chantiers
hors-normes sont en cours, suivis avec
un vif intérêt tant est grande l’importance
géostratégique de pareille voie navigable
pour le trafic maritime mondial, empruntée
entre autres compagnies par CMA CGM.
A l’instar des améliorations techniques et
des installations structurantes apportées
au Canal, resté grâce à ses péages une
véritable manne financière, l’égypte joue
la carte de la création et de la réouverture
de ses musées aux fins de relancer son
tourisme. Non loin du site des pyramides
de Gizeh, le Grand Musée égyptien (GEM) en
sera le fleuron. Aussi, avant de boucler nos
valises pour admirer ses trésors, retrouvons
dans ce numéro quelques hauts faits d’une
histoire commune, ainsi que des personnalités
et des lieux qui ont contribué à façonner
une « Marseille, Porte de l’égypte ».
Mektoub… C’était écrit !

Patrick BOULANGER